La paix de Nimègue qui met fin à la guerre de Hollande (1672-1678) assure à Louis XIV, sur recommandations de Vauban, une frontière imposante qui sera pourvue en défense de deux lignes de fortifications de Dunkerque à Givet, le fameux « pré-carré ». C’est de cette paix que se dessine notre frontière actuelle avec la Belgique. A Maubeuge, l’ancienne enceinte médiévale n’existe pratiquement plus. C’est une ville sans défense qui s’offre à Vauban en 1678 lors de sa venue à Maubeuge. Dans ce nouveau concept de fortification qui impose la position des hauteurs autour de la ville, Maubeuge se voit amputée d’une très grande partie de son cadastre, fait unique dans les principes de l’ingénieur.
En 1679, Louvois annonce à l’intendant Faultrier la décision royale de construire des fortifications à Maubeuge sur la Sambre afin de fermer la frontière entre Le Quesnoy et Philippeville. Le dessin de Vauban offre alors une conception nouvelle à la défense : c’est la fortification « rasante » d’où émerge sur l’horizon la masse des cavaliers placés au-dessus des bastions. Murailles, fossés, demi-lunes et autres ouvrages sont ainsi enterrés.
Cet ensemble qui est construit à Maubeuge, en un temps record, fait partie de ce que l’on présente comme étant le premier système de Vauban, composé d’une ligne de remparts imposants d’une hauteur d’une dizaine de mètres, flanqués de sept bastions à orillons. A cela s’ajoute une ceinture de demi-lunes, dehors retranchée, placée devant la courtine fermant l’espace entre deux bastions et entièrement cernée de fossés. Un ouvrage à cornes à l’est, extérieur à l’enceinte, formé de deux demi bastions, complète le système de défense mis en place.
La situation de la ville, assise sur un coteau, ne permet pas la protection idéale sous couvert des eaux. Seule la partie basse, au sud en sera bénéficiaire à l’aide d’une écluse située à l’entrée des eaux qui irriguera ses fossés. Au nord, un front plus réduit, alimenté par le ruisseau de la Pisselotte, permettra grâce à deux batardeaux et vannes, d’obtenir une tendue d’eau. L’ensemble de la construction qui couvre une surface d’un peu plus de 56 hectares sera réalisé de 1679 à 1685.
Quelques 8 à 10 000 hommes y seront employés.
La muraille d’escarpe qui forme l’enceinte urbaine est la première mise en place. Aux pieds de la muraille de contrescarpe, qui fait face au rempart, une galerie souterraine, appelée « contremines » sert à détecter la progression des travaux ennemis en cas de siège. Sur le haut de la contrescarpe, cheminent les « défenses avancées » composées du chemin couvert avec son parapet et sa banquette de tir, ses places d’armes saillantes et rentrantes, ses traverses chicanes ainsi que le glacis qui évolue sur l’ensemble du circuit de l’enceinte.
Ce système défensif est aujourd’hui parfaitement lisible dans sa reconstitution depuis l’entrée en ville par la Porte de Mons à la demi-lune de Bavay sur environ 540 m et les escaliers de service « pas de souris » aux angles des places d’armes permettent d’accéder aux fossés de la fortification.
Deux portes furent réalisées, l’une au nord, l’autre au sud, et par la suite deux ouvrages dénommés portes également chevaucheront la Sambre à l’entrée et sortie de la fortification.
Le tout formant lors des fermetures à 22 h une ville totalement close. De toutes ces ouvertures, il ne subsiste aujourd’hui que la porte de Mons et son front bastionné comprenant les dehors du corps de place compris entre cette enceinte principale et le chemin couvert que sont : la tenaille, la demilune avec son réduit central et son corps de garde de 1683, son grand pont dormant et les places d’armes rentrantes et saillantes.
Cet ensemble permet de se faire une idée sur l’art et la manière de défendre une place forte au XVIIème siècle.
Dans la fortification bastionnée de Maubeuge, le visiteur peut tout à loisir découvrir tous ces dehors mis en valeur, porter le regard sur les masses imposantes des reliefs des cavaliers, les arrondis, les obliques et saillants des murailles qui offrent tant de belles perspectives.
Il découvrira l’appareillage des maçonneries, observera cette moulure semi-circulaire, le cordon sur la demi-lune de Mons destiné à dévier les eaux de pluie. Il s’interrogera sur cette « dame », petite tour à cintre-plein surmontant le batardeau du fossé en eau empêchant celui-ci de servir de cheminement (étang Monier).
Dans le réduit central, le corps de garde attirera son attention ainsi que la plate-forme de tir, remise en ordre et meublée d’une pièce de 12. En été, la fraîcheur humide des galeries d’écoute sous le chemin couvert le conduira à s’imaginer la « guerre souterraine » du XVIIème siècle lors des attaques de place. Empruntant la poterne de communication fossé-bastion, il observera en haut du rempart, les reliefs sur les faces du bastion, avec sur l’extérieur la « plongée de tir » qui précède le parapet de tir et sa banquette.
Enfin pour le satisfaire, sa vue se portera une fois encore sur l’ensemble du chemin couvert, seul témoignage en ordre issu du « pré-carré ».
GLOSSAIRE
BASTION : Ouvrage pentagonal faisant saillie sur l’enceinte et qui possède deux flancs et une gorge afin de battre les dehors, de croiser les tirs et de flanquer les courtines. Le bastion est plein quand son terre-plein est au niveau des courtines, armé d’un cavalier. Il est dit à orillon lorsqu’il possède un massif de maçonnerie arrondi dans le but de protéger les défenseurs.
COURTINE : Pan de muraille compris entre deux bastions.
CORPS DE PLACE : Enceinte principale d’une place.
CAPONNIERE : Ouvrage bas adossé à l’escarpe entièrement défilé dans le fossé ; sa fonction est de flanquer le fond de fossé.
CAVALIER : Ouvrage en terre-plein portant de l’artillerie et placé sur un autre ouvrage dont il double les feux.
CHEMIN COUVERT : Itinéraire à ciel ouvert établi sur la contrescarpe et défilé par le parapet du glacis.
CONTRE-MINE : Travail identique à la mine mais conduit par l’assiégé pour déjouer celle-ci. La rencontre des deux restera longtemps un combat noble.
DAME : Obstacle massif en forme de tourelle pleine, posé sur le fait d’un bâtardeau pour empêcher que celui-ci ne serve de cheminement à l’assiégeant.
DEHORS : Désigne tous les ouvrages qui, sans être rattaché au corps de place, sont construits dans le fossé.
DEMI-LUNE : Dehors retranché placé devant la courtine et entièrement cerné de fossé.
FRONT BASTIONNE : Tracé dont toutes les parties se flanquent réciproquement.
GLACIS : Plan faiblement incliné raccordant la crête du chemin couvert au niveau naturel du terrain.
MINE : Cheminement souterrain creusé par l’assiégeant pour parvenir sous la muraille et y ménager une chambre de mine dont l’explosion provoquera la brèche.
ORGUES : Ensemble de grosses poutres de bois suspendues au-dessus d’une porte et pouvant être abaissées pour la fermer.
PARAPET : Massif gazonné ou mur défilant les emplacements de tir à ciel ouvert.
PAS-DE-SOURIS : Escalier étroit permettant de gravir la gorge d’une demi-lune ou la contrescarpe d’un fossé pour accéder au chemin couvert.
PLACE D’ARMES : Espace laissé libre pour le rassemblement d’une troupe sur le chemin couvert pour les sorties.
REMPART : Enceinte formée par une levée de terre dont la poussée peut-être retenue par un mur de soutènement.
TENAILLE : Dehors bas placé devant la courtine et formé de deux faces en angle rentrant.
TRAVERSE : Massif de terre construit en épi dans la largeur d’un chemin couvert.
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