|
 |
Notre Dame de Kernascléden
L'oeuvre des Rohan
L'église de Notre Dame de Kernascléden est située sur un des territoires les plus riches en art breton.
Le terrain sur lequel a été bâti la première chapelle appartenait aux ancêtres d'Alain IX, Vicomte de Rohan. L'église telle que nous la connaissons actuellement a été bâtie en l'an 1420 par Alain VIII, Comte de Rohan-Pontivy. Il décide de remplacer la chapelle, qui tombe alors en ruine, par un édifice beaucoup plus prestigieux : Notre Dame de Kernascléden. Suite au décès d'Alain VIII, c'est son fils, Alain IX, qui reprend les travaux en 1429. Après une période d'interruption due à un manque d'argent, la construction reprend dans un style légèrement différent.
Depuis l'extérieur, l'église se divise en deux parties. La première construction s'étend du clocher à la fin du transept. On notera la présence de niches à statue et de pinacles carrés. La seconde partie se poursuit à l'inverse avec des pinacles ronds.
Ces différences s'observent aussi à l'intérieur par la présence de plusieurs armoiries, notamment celles du Duc Jean V et de son épouse Jeanne de France, fille du roi de France Charles VI, ainsi que celles de Louis de Rohan-Guémené, de Jean de Rohan-Pontivy et de François II, dernier Duc de Bretagne et père de d'Anne de Bretagne. Ceci tend à confirmer plusieurs périodes de travaux.
La consécration de l'église eut lieu le 2 septembre 1453 en la présence de Monseigneur Yves de Pontsal, 77ème évêque de Vannes. Elle fut dédiée à la Vierge Marie et placée sous le vocable de l'Immaculée Conception. Ce sacrement lui conféra aussi le droit au titre de Basilique Mineure, titre qu'elle porta jusqu'à la Révolution française au cours de laquelle la pierre d'autel fut sortie de l'édifice, lui faisant ainsi perdre son prestigieux statut.
Entre la fin du XIIIe et du XVIe siècle, l'art gothique s'illustre sur plusieurs centaines d'édifices religieux dans le paysage architectural breton. Le style flamboyant, tiré des effets rappelant l'apparence de flammes, apparaît dans la dernière décennie du XIVe siècle. Ces effets s'expriment au niveau des remplages des baies, notamment des roses.
On multiplie aussi les gâbles et les pinacles à l'extérieur tandis qu'à l'intérieur, les voûtes entrecroisées de tiercerons ou de liernes deviennent de plus en plus complexes.
" Chapelle aux mille clochetons ", c'est le deuxième surnom désignant l'église de Kernascléden. La soixantaine de clochetons ou de pinacles fleuris et élancés offre un jeu d'équilibriste et de stabilité parfaitement maîtrisé. L'art gothique s'observe aussi à travers d'autres éléments architecturaux comme les trois fenêtres à réseau flamboyant situées au sud.
Éléments extérieurs remarquables
- Le clocher et les gargouilles
Restauré en 1878 à la suite d'un violent orage, le clocher est orné d'une balustrade flamboyante. Il est installé sut quatre colonnettes surmontées de gâbles pleins décorés d'arcs tréflés et de mouchettes aveugles.
Dans leur première fonction d'écoulement des eaux de pluie, les gargouilles seraient symboliquement les " gardiennes de l'édifice " et éloigneraient ainsi les mauvais esprits.
- La rose du transept
La rose de la façade sud séparant deux entrées comporte huit lobes dont chacun encadre trois arcs trilobés et un quatre feuilles. Le vitrail sépare deux porches matérialisant une entrée pour les hommes et une autre destinée aux femmes. Les deux sexes étant séparés lors des offices religieux. Selon la tradition, les hommes étaient plus légitimes à être au plus proches du " saint des saints ", d'où l'entrée du côté du choeur de l'église. Les femmes, quant à elles, devaient se contenter des places du fond.
- Le porche Ouest
Autrement appelé le porche des femmes, le porche Ouest est surplombé de deux voûtes d'ogives richement ornées d'un feuillage sculpté et au-dessus duquel un tympan domine l'ensemble par quatre voussures. Sur les murs latéraux, on remarque douze niches encadrées de colonnettes décorées d'un motif de feuilles frisées, le tout accueillant les douze apôtres. Chacun porte son nom inscrit en latin ainsi qu'un objet le caractérisant. Les sculptures ne datent pas de la construction de l'église et n'en sont que des reproductions. Il est probable qu'il existait d'autres statues de facture plus prestigieuse avant la Révolution.
- Le porche Est
Le porche des hommes, plus modeste que celui des femmes, est couronné d'une arcade constituée d'une dentelle d'arceaux trilobés. Une croisée d'ogive ouvre sur deux portes jumelées. Ces dernières sont séparées par un bénitier, accolé au trumeau, et surmontées par une statue de Sainte Catherine. Sur un cul de lampe sculpté se trouve une statue de Saint Antoine, datée du XVIe siècle, avec à ses pieds un cochon, son fidèle compagnon. A droite du porche, siège une statue de Saint Sébastien, que l'on trouve aussi à l'intérieur de l'église près de l'autel.
Découverte de l'intérieur de l'édifice
- L'ascension vers le Paradis
L'église en forme de croix latine se compose de trois parties : la nef, le transept et le choeur de trois travées. Contrairement à la plupart des édifices bretons, la voûte est en pierre et pas en bois, car la famille de Rohan souhaitait donner un véritable prestige à ce lieu. Particularité architecturale audacieuse, certaines parties du monument présentent une subtile dissymétrie. La nef est séparée de son unique bas-côté au nord par des arcades, le collatéral sud étant absent. Les différences s'observent aussi entre les piliers, ces derniers étant ronds dans le transept tranchant nettement avec le style de ceux des arcades nord de la nef. Enfin, la voûte du coeur située nettement plus haut que celle de la nef est entourée d'un déambulatoire. Le changement de style s'observe ici dans les nervures des piles cylindriques.
Les trois paliers décrits précédemment rythment l'avancée vers le maître-autel. La nef symbolise la première étape, " la vie humaine " où l'existence du Christ est encore inconnue. Le carré du transept représente " la vie chrétienne " illustrant ensuite la foi en Dieu et le choeur matérialise quant à lui " la vie céleste ".
- Le choeur et sa voûte
Cet ensemble très bien conservé date du XVe siècle et est représentatif des écoles françaises et flamandes de cette époque. Les peintures se trouvant dans cette partie de l'édifice se subdivisent en deux parties, les épisodes de la vie de la Vierge Marie et les principaux épisodes de la Passion du Sauveur et de sa Résurrection.
o La vie de la Vierge
Les scènes peintes sur les trois voûtes d'ogives du choeur dans les 24 compartiments racontent l'histoire de la Vierge selon les Évangiles apocryphes, d'où plusieurs scènes relatives à Sainte Anne et Saint Joachim.
o Les scènes de la Passion
Entourant les scènes de la Vierge, une série de huit peintures murales représentant une iconographie de la Passion du Sauveur et de sa Résurrection a été réalisée sur les tympans.
- Les bras du transept
o Au nord : Le Paradis des anges musiciens
Les peintures du transept nord illustrent huit anges musiciens aux ailes chamarrées de couleurs. Chaque compartiment est orné de deux anges, l'un jouant d'un instrument (harpe, tambourin, viole médiévale à archet, rébec), l'autre chantant ou déroulant une partition de musique de style gothique sur laquelle on peut encore déchiffrer quelques notes. Selon la musicologue allemande Ursula Günther, la partition révèle une messe vraisemblablement d'origine avignonnaise ou espagnole. Les morceaux identifiés sont le Patrem, le Et in terra, le Sanctus et l'Agnus Dei. L'apparition de ces nouvelles formes de musiques trouvera son origine dans le voyage du prédicateur Saint Vincent Ferrier, célèbre Dominicain de Valence.
o Au sud : " Les Ténèbres "
Une danse macabre et une représentation de l'Enfer ont été mises à jour par hasard en 1912 lors de la chute de plaques murales.
 L'Enfer
L'iconographie s'étale sur un vaste pan du mur occidental. L'image de l'enfer est décrite telle la vision de l'Apocalypse de Saint Paul. Dans cette scène horrifiante, démons et diables aux visages narquois semblent se repaître des souffrances infligées aux pêcheurs. Certains portraits évoquent le péché de la luxure ou encore l'ivresse en mentionnant le supplice du tonneau. Au centre, un arbre sec prend racines dans un énorme chaudron tandis que ces branches transpercent des corps nus. A gauche de la grande marmite, c'est la punition des riches avec cette roue de la fortune sur laquelle on distingue quatre personnes ligotées. Une femme voilée frappe au hasard afin de faire tomber ses victimes dans le puit de l'abîme.
 La danse macabre
La longue guerre de cent ans et les terribles épidémies de peste du XIVe et XVe siècle font émerger des oeuvres évoquant la mort telles que les danses macabres durant toute cette longue période. Comptant parmi la dizaine d'exemples recensés en France, la danse macabre de Kernascléden est datée de la fin du XVe siècle. Une danse macabre est une suite de personnages où alternent un mort et un vivant. Les vivants sont ordonnés de manière hiérarchique selon leur rang dans la société médiévale (hiérarchie cléricale et reste du monde laïque, des nobles en passant par les médecins, les commerçants, les usuriers, les voleurs, les paysans jusqu'à l'enfant innocent. La mort est peinte avec un instrument de musique évoquant un côté séducteur, diabolique par son pouvoir d'enchantement.
Une église riche en patrimoine naturel, maison des demoiselles de la nuit
Le bourg de Kernascléden abrite une réalisation beaucoup plus récente mais très originale : le seul équipement entièrement consacré à la chauve-souris du secteur. Ce projet s'est harmonisé autour de la transition du patrimoine historique avec le patrimoine naturel, preuve qu'il est possible d'intégrer protection des chauves-souris et préservation des bâtiments historiques.
Ouverte en 2006 à l'initiative de l'association AMIKIRO, de la commune de Kernascléden et du Pays du Roi Morvan, la Maison de la chauve-souris n'a pas été implantée là par hasard. Depuis de nombreuses années, une des plus importantes colonies de grands rhinolophes de Bretagne a été repérée dans les combles de l'église Notre Dame par des naturalistes chiroptérologues (spécialistes des chauves-souris). Plusieurs centaines d'individus y sont rassemblés en été.
L'association AMIKIRO a relevé avec brio le défi de faire aimer des animaux réputés inquiétants, laids, voire dangereux er de faire fréquenter un site à l'écart des zones littorales. Petits et grands pourront visiter l'écomusée proposant un parcours combinant science, humour et imagination visant à faire découvrir ces petits mammifères volants. Petit scoop, la visite permet d'observer en direct l'essaim de chauves-souris présent dans l'église grâce à une caméra infrarouge. Il est aussi possible d'admirer les petites vedettes " en vrai " en suivant les animations proposées par l'écomusée.
Il faut également souligner que la Maison de la chauve-souris joue un rôle qui va bien au-delà de la sensibilisation du public, elle assure aussi un rôle de conseil auprès des particuliers et des collectivités confrontés à la découverte imprévue de chauves-souris. Les permanents du musée gèrent parallèlement un centre de ressources scientifiques, le Pôle 3R (Réseau Relais Ressources) qui se compose de bureaux pour les salariés et l'accueil d'étudiants chercheurs, d'un amphithéâtre avec visioconférence d'une cinquantaine de places, de salles de réunions et de formation.
 Église Notre-Dame de Kernascléden (doc. Mairie de Kernascléden) |
Guide Vert Michelin 2 étoiles depuis 6 ans
Accès libre tous les jours de l'année
Gratuit
| Publicité |
